Les humains remarquables des contes gbaya
Paulette Roulon-Doko  1@  
1 : LLACAN (UMR 8135 CNRS)-INALCO-EPHE
LLACAN (UMR 8135 CNRS)-INALCO-EPHE

Les contes qui construisent l'imaginaire d'une culture représentent la façon dont cette culture se situe dans le monde qui l'entoure, tant naturel qu'humain. Il est à ce propos intéressant de constater dans les contes, qu'à côté de personnages non-humains (dieux, monstres, génies, etc.), les personnages humains sont très variés. Dans la culture gbaya qui sera la base de mon analyse, ces humains qui sont mis en scène dans diverses situations (mariage, relation dans la famille ou l'alliance) sont représentés soit par des personnages uniquement identifiés par leur statut – un père, un gendre, une brue, une co-épouse, etc. – sans recevoir un nom propre, soit par des animaux qui se comportent comme des humains, et sont de même sont identifiés par leur espèce et le statut de l'humain que chacun porte, sans recevoir un nom propre. Ceux-ci gardent cependant leur aspect physique et leur comportement habituel, tel qu'il est identifié dans cette culture et donc connu de tous, ce qui en facilite la mémorisation. A tous ceux là s'ajoutent des humains que je caractérise comme remarquables. Deux cas sont à distinguer. Il s'agit soit d'humains considérés comme une espèce particulière tels les « ogres » wí ɲɔ̀ŋ wí (individu/mangeant/ individu) définis comme des hommes ayant un régime alimentaire particulier ; les lépreux qui, à l'instar de animaux, sont physiquement reconnaissables et forment de ce fait un lignage différent qui vit dans un village à part (ce qui n'est pas attesté dans la vie réelle); les Bara qui ne vivent qu'en brousse. Il peut aussi s'agir d'humain qu'un comportement excessif distingue et qui de ce fait ont un nom propre spécifique du conte qui les met en scène. Ainsi par exemple, la jeune fille couverte de gale Kundɛsɛ, l'enfant irraisonnable Kpɛɲa, l'enfant qui ne marche pas Kárá-bem, le garçon caché sous une peau de chien galeux Kputu toe, la fille difficile zɔŋa-kɔ-ta. Je ne traiterai pas des humains que peuvent devenir temporairement certains animaux en se transformant, comme la jeune fille buffle, la jeune fille poisson par exemple.

Je m'attacherai, à partitr d'un corpus comportant plus de 350 contes pour lesquels j'ai recensé environ 160 thèmes différents, à présenter ces humains remarquables en montrant combien ils sont tributaires de la conception de la culture qui les a créés et tout ce que leur étude peut nous en apprendre. Dans le cas de ceux qui sont distingués par une maladie, comme les lépreux, j'étendrai mon analyse à l'Afrique centrale où existe un autre type comparable, les hernieux qui par contre ne sont pas attestés chez les Gbaya. Je proposerai une raison pour cette distribution lacunaire.

Remarkable humans in Gbaya tales

The tales that form the imagination of a culture represent the way in which that culture sees itself in the world around it, both natural and human. In this respect, it is interesting to note that, alongside non-human characters (gods, monsters, genies, etc.), there is a wide variety of human characters. In the gbaya culture that will form the basis of my analysis, these humans, who are portrayed in various situations (marriage, family relationships or alliances), are represented either by characters identified solely by their status - a father, son-in-law, daughter-in-law, co-wife, etc. - without being given a proper name, or by characters identified by their status - a father, son-in-law, daughter-in-law, co-wife, etc. - without being given a proper name. - without being given a proper name, or by animals who behave like humans, and are identified by their species and the status of the human they carry, without being given a proper name. However, they keep their physical appearance and their usual behaviour, as identified in this culture and therefore known to everyone, which makes them easier to remember. In addition to these, there are humans that I would describe as remarkable. There are two distinct cases. These are either humans considered to be a particular species, such as the 'ogres' wí ɲɔ̀ŋ wí (individual/eater/individual) defined as men with a particular diet; lepers who, like animals, are physically recognisable and therefore form a different lineage who live in a separate village (which is not attested to in real life); the Bara who live only in the bush. They may also be humans who behave excessively and therefore have their own name specific to the tale in which they appear. For example, the girl covered in scabies Kundɛsɛ, the unreasonable child Kpɛɲa, the child who doesn't walk Kárá- bem, the boy hidden under a mangy dog's skin Kputu toe, the picky girl zɔŋa-kɔ-ta. I won't deal with the humans that can temporarily become animals by transforming themselves, like the buffalo girl and the fish girl, for example.

Based on a corpus of more than 350 tales, for which I have identified some 160 different themes, I shall present these remarkable humans, showing how much they depend on the conception of the culture that created them, and what we can learn from their study. In the case of those distinguished by a disease, such as lepers, I will extend my analysis to Central Africa, where there is another comparable type, the hernieux, who, however, are not attested among the Gbaya. I will suggest a reason for this patchy distribution.

Quelques références bibliographiques

Retel-Laurentin, Anne, 1986, Contes du pays nzakara (Centrafrique), Karthala

Buckner Margaret, 2017, Touré le farceur, Chantefables zandé, Paris, Classiques africains-Karthala

Roulon-Doko, Paulette, 1984, "Le conte gbaya, une mémoire collective", in Françoise Grund (éd), Conteurs du monde, Maisons des Cultures du Monde, Paris, pp. 109-116

Roulon-Doko, Paulette et Raymond Doko, 1988, "L'enfant crapule (l'enfant dans les contes gbaya 'bodoe de Centrafrique)", in V. Göröd-Karady et U. Baumgardt (éds), L'enfant dans les contes africains, CILF-EDICEF, Paris, pp. 171-189.

Roulon-Doko, Paulette, 1989, "Le nom propre dans les contes gbaya 'bodoe", in V. Göröd-Karady (éd.), D'un conte...à l'autre (La variabilité dans la littérature Orale), Paris, pp. 145-155

Roulon-Doko, Paulette, 1994, "La visite aux beaux-parents ou l'itinéraire obligatoire pour se marier", in V. Göröd-Karady (éd), Le mariage dans les contes africains, Karthala, Paris, pp. 175-206.

Roulon-Doko, Paulette, 1999, "Les animaux dans les contes gbaya (République Centrafricaine)", in C. Baroin et J. Boutrais (éds), L'homme et l'animal dans le bassin du Tchad, Paris, Editions IRD, pp. 183-192.

Roulon-Doko, Paulette, 2001, "La fille difficile gbaya", in V. Görög-Karady et C. Seydou (éds.), La fille difficile : un conte-type africain, Paris, Editions du CNRS, pp. 187-199.

Roulon-Doko, Paulette, 2013, Le conte, une valeur sûre en pays gbaya, Studia africana, n°24, Centre d'Estudis Africans , Barcelone. (http://www.studiaafricana.info/index.php/studia


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