Mythes et problème d'eau au Niger : le cas de la ville de Zinder
Boubé Saley Baly  1@  
1 : Université André Salifou de Zinder

L'eau est le principal constituant biologique de l'être. « L'eau, c'est la vie », dit un adage touareg. Objet de quête permanent, un point d'eau est encore au XXIème siècle au Niger un privilège et l'abondance comme la pénurie est expliquée par des croyances et des mythes éthologiques.

Pour analyser la relation entre êtres humains et eau, nous avons fait une enquête de terrain à Zinder, seule ville de plus de 10 000 habitants (sur l'actuel territoire du Niger) avant la colonisation française, et siège du territoire militaire, puis capitale du nouveau territoire militaire et de la colonie autonome jusqu'en 1926. Contre toute attente, la capitale est transférée à Niamey par les colons pour motif de pénurie d'eau. Si nous avons choisi Zinder, c'est parce que cette ville connaît depuis 1920 une pénurie d'eau récurrente qui persiste jusqu'à nos jours. 

Les nombreuses réalisations d'infrastructures hydrauliques (1958, 1989, 2005, 2013), l'abondance des pluies ces dernières années, ne rassurent point les populations qui avancent plutôt une série de violations des normes sociétales ; des prières exhaussées des marabouts qui ont demandé deux cent ans de pénurie pour expliquer ce manque d'eau.

L'être humain s'appuie sur ce qui lui manque, d'une part, pour inventer des mythes et, d'autre part pour légitimer ses croyances. Le mythe est par conséquent un moyen de résistance pour expliquer l'impuissance humaine face à la problématique de l'eau, symbole de vie et de mort à Zinder.

Nous montrerons dans cette communication, comment, d'une part, l'eau est utilisée comme un moyen de punition et de résistance anticoloniale et comment, d'autre part, elle participe à la légitimation du pouvoir religieux. Nous nous baserons sur un corpus de dix mythes collectés en 2022 au cours d'une enquête sur le patrimoine immatériel dans le cadre d'un travaux dirigés de techniques de collecte de textes oraux avec des étudiants en master de l'Université de Zinder dans les trois anciens quartiers de Zinder (Birni, Zengou, Toudou Djamouss) auprès de femmes et d'hommes dont l'âge moyenne est de 70 ans. Nous analyserons ces mythes à partir des outils de l'écopoétique qui étudie « les liens qui unissent la littérature à notre environnement naturel. », Glotfelty(2021). Nous avons choisi cette approche, car elle met l'accent sur les formes littéraires, le rapport de l'homme avec l'environnement. Inscrit dans la perspective d'une écopoétique postcoloniale, les mythes d'eau renvoie à l'histoire coloniale et postcoloniale de la ville de Zinder, au-delà de comprendre plus pourquoi la population zindéroise croit plus aux mythes qu'aux arguments scientifiques.

Myths and water problems in Niger: the case of the city of Zinder

Water is the main biological constituent of the being. "Water is life," says a Tuareg adage. A water source is still a privilege in the 21st century in Niger, and both abundance and scarcity are explained by ethological beliefs and myths.

To analyze the relationship between human beings and water, we conducted a field survey in Zinder, the only city with more than 10,000 inhabitants (on the current territory of Niger) before French colonization, and the seat of the military territory, then the capital of the new military territory and the autonomous colony until 1926. Against all odds, the capital was transferred to Niamey by the colonists for reasons of water shortage. We chose Zinder because this city has had a recurrent water shortage since 1920, which persists to this day.

The numerous water infrastructure projects (1958, 1989, 2005, 2013) and the abundance of rainfall in recent years do not reassure the population, who point to a series of violations of societal norms, and to the prayers of marabouts who have asked for two hundred years of water shortage to explain this lack of water.

Human beings rely on what they lack, on the one hand, to invent myths and, on the other, to legitimize their beliefs. The myth is therefore a means of resistance to explain human powerlessness in the face of the problem of water, a symbol of life and death in Zinder.

We will show in this paper how, on the one hand, water is used as a means of punishment and anti- colonial resistance and how, on the other hand, it participates in the legitimization of religious power. We will use a corpus of ten myths collected in 2022 during a survey on intangible heritage as part of a tutorial on oral text collection techniques with master's students at the University of Zinder in the three old neighborhoods of Zinder (Birni, Zengou, Toudou Djamouss) with women and men whose average age is 70 years. We will analyze these myths using the tools of ecopoetics, which studies "the links between literature and our natural environment," Glotfelty (2021). We have chosen this approach because it emphasizes literary forms, the relationship of man with the environment. Inscribed in the perspective of a postcolonial ecopoetics, the water myths refer to the colonial and postcolonial history of the city of Zinder, beyond understanding more why the Zinder population believes more in myths than in scientific arguments.

Bibliographie

-Moussa Malam Abdou, Boubé Bali Saley, Al, 2020, « Regards croisés sur l'évolution de la pénurie d'eau de la ville de Zinder (Niger) de 1900 à nos jours », Revue des Sciences de l'Eau / Journal of Water Science , Volume 32, numéro 4, p. 316-474

-Sara Buekens, 2019 « L'écopoétique : une nouvelle approche de la littérature française », Elfe XX- XXI [En ligne], 8 | , mis en ligne le 10 septembre 2019.

-Stéphanie Posthumus , Écocritique, 2017, « Vers une nouvelle analyse du réel, du vivant et du non- humain dans le texte littéraire », in Humanités environnementales, Editions de la Sorbonne, p 161- 179

-Gagnon, C. (1994). « Nouvelles sociétés, nouveaux mythes ? » Philosophiques, 21(2), 471–481.


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