Dans une région qui souffre depuis plusieurs décennies d'une sécheresse persistante causant irrémédiablement l'avancée de la désertification, la saison des pluies est attendue avec anxiété. L'arrivée tardive des premières pluies ou leur irrégularité si souvent observées font l'objet de nombreuses pratiques rituelles, qu'elles s'expriment sous la forme d'ordalies (Diarra J.-T., 1993), de sorties de masques (Baldizzone, 2002 ; Capron, 1973 ; Coquet, 2020), de processions catholiques (Diarra P., 2009) ou de sacrifices ponctuels. Cependant, contes et proverbes rappellent combien l'eau peut être dangereuse, insistant sur la dimension incontrôlable et ingérable de ses excès.
Selon notre corpus[1] en effet, la relation à l'eau met surtout en valeur ses dangers et la crainte qu'elle inspire. Les cours d'eau, dont la périlleuse traversée marque les récits initiatiques, donnent naissance à des êtres monstrueux ; l'enfant terrible a pour avatar le tonnerre et ses dégâts ; la fille difficile finit par se laisser séduire par les êtres aquatiques qui l'enlèvent à jamais, ne laissant d'elle qu'un morceau de tissu abandonné au bord de la rive. Dans cette communication, j'analyserai la relation à l'eau telle qu'elle est exprimée dans cette littérature patrimoniale au regard de la situation climatique actuelle de la région habitée par les Bwa (cercles de San et de Tominian au Mali).
[1] Le corpus comprend 500 proverbes recueillis en situation d'énonciation (Leguy 2001) et environ 200 contes enregistrés en performance par une radio locale (Cassettothèque de Radio Parana, San, Mali)
« If the sparrow causes the rain, let him wait for the wind. » Thinking about the relationship to water with Bwa tales and proverbs (Mali)
In a region that has been suffering from persistent drought for several decades, which is irreversibly causing the advance of desertification, the rainy season is anxiously awaited. The late arrival of the first rains or their irregularity, so often observed, are the subject of numerous ritual practices, whether they are expressed in the form of ordalies (Diarra J.-T., 1993), the release of masks (Baldizzone, 2002; Capron, 1973; Coquet, 2020), Catholic processions (Diarra P., 2009) or occasional sacrifices. However, tales and proverbs remind us how dangerous water can be, insisting on the uncontrollable and unmanageable dimension of its excesses.
According to our corpus[1], the relationship to water emphasizes its dangers and the fear it inspires. The watercourses, whose perilous crossing marks the initiation stories, give birth to monstrous beings; the « enfant terrible » has as avatar the thunder and its damages; the girl who demands to choose her own husband ends up letting herself be seduced by the aquatic beings who kidnap her forever, leaving her only a piece of cloth abandoned at the edge of the bank. In this paper, I will analyze the relationship to water as expressed in this heritage literature in light of the current climatic situation in the region inhabited by the Bwa (San and Tominian areas in Mali).
[1] The corpus includes 500 proverbs collected in situation (Leguy 2001) and about 200 tales recorded in performance by a local radio (Cassettothèque de Radio Parana, San, Mali).
Références :
Baldizzone T. et G. (2002) Magiciens de la pluie (Préface d'Etienne Féau), Paris, Arthaud.
Capron, J. (1973) Communautés villageoises bwa, Mali - Haute-Volta, Paris, Institut d'ethnologie.
Coquet, M. (2020), « Les masques à lame des Bwa du Burkina Faso, ou comment joindre la terre au ciel », Carnets de Terrain, le blog de la revue, https://blogterrain.hypotheses.org/15460.
Diarra, J.-T. (1993) La terre enchantée. Les représentations de la Terre chez les Bwa du cercle de Tominian au Mali, Mémoire de maîtrise en Sciences Sociales, Institut Catholique de Paris.
Diarra, P. (2009) Cent ans de catholicisme au Mali. Approche anthropologique et théologique d'une rencontre (1888-1988), Paris, Karthala.
Leguy, C. (2001) Le proverbe chez les Bwa du Mali. Parole africaine en situation d'énonciation, Paris, Karthala.